vendredi 27 février 2009

L'amour de l'art

Alors que finit la vente de la collection Bergé - YSL au Grand Palais, une phrase de Claude Berri que j’ai entendue le lendemain de sa mort ne cesse de me revenir en tête :

« Pour aimer vraiment un tableau, il faut le posséder… »

Comme si l’appréciation voire l’appropriation d’une œuvre d’art se confondait avec sa propriété...

Cette phrase, d'un niveau de réflexion proche de zéro et oublieuse de tous les écrits salvateurs de Bourdieu, par exemple, sur le rapport aux œuvres d'art, est néanmoins révélatrice d’une époque. Une époque où on explique que ne pas posséder une Roleix à 50 ans, c’est avoir raté sa vie. Une époque où on voudrait exclure des joies de l’art ceux qui n’ont jamais envisagé d’acquérir une œuvre.

Comme si deux classes sociales (et qu’on arrête de dire qu’elles n’existent plus...) devenaient radicalement hermétiques l’une à l’autre, sans aucun code ou valeur en commun. Si cette expression n’avait pas été souillée, on pourrait dire que la fracture sociale s’aggrave. Non plus entre les bourgeois et les misérables. Mais entre les nantis déconnectés (bonus, Roleix, yacht, collection personnelle d’œuvres d’art inestimables) et tous les autres.


http://www.leseditionsdeminuit.com/f/index.php?sp=liv&livre_id=1951

dimanche 22 février 2009

Normalité & statistique

Un matin à la Gare Montparnasse, le train pour Versailles se remplit progressivement.
Seule dans le wagon, j’entame la lecture du journal.

Une jeune femme monte et s’assoit près de moi. Tout haut à elle-même :
"La SNCF ils sont chiants, ils vont encore nous faire chier avec leur grève, qui fait chier, moi je vais encore être en retard au travail, c’est comme l’autre jour…… "
Un flot sans fin de parole se diffuse dans le wagon désert.

Pff… encore une folle qui parle toute seule…

Un homme monte et s’assoit à quelques places. Tout bas à lui-même :

"Non, mais c’est pas la bonne solution qu’il a proposée, parce que si on raisonne sur les réseaux dans la zone de chalandise, ça se passerait autrement ; les données technologiques ne sont pas les mêmes……"

Euh... j'devrais peut-être me raconter un truc aussi là, non ?

vendredi 6 février 2009

Ubu Roi

Un coup de fil à la Poste un matin de RTT. Un jeune homme charmant répond.

Bonjour, Madame.
Bonjour Monsieur. Je voudrais récupérer un recommandé aujourd’hui mais je m’inquiète car il est adressé à Monsieur et Madame Barril
Ah.... et vous êtes Madame Barril ?
Non justement je ne suis pas Madame Barril.
Ah bon, mais qui êtes vous ?
Je suis Mademoiselle Martin.
Ah… Mais Madame Barril existe-t-elle ?
Euhhh… oui il y a ma belle-mère et ma belle-sœur...
Non je veux dire, a-t-elle existé avant vous ?
Euhhh… non.
Bon, c’est déjà ça.
Oui... mais je voudrais savoir si, même si je ne m’appelle pas Madame Barril, je peux aller récupérer ce recommandé ?
Avez-vous une procuration de votre conjoint ?
Non je n’en ai pas.
Alors, non Mademoiselle, vous ne pouvez pas aller seule récupérer ce recommandé.
Donc il faut que j’envoie mon conjoint à la Poste. Et lui pourra le récupérer ?
Euh... pas plus, non.
Ah bon ! Alors il faut qu’on y aille ensemble ?
Euh non plus.
???.... ???... ????
Vous comprenez le problème, le courrier est adressé à deux personnes dont une n’existe pas.
Donc personne ne peut le récupérer ???
Voilà c’est ça.
Mais c’est ubuesque !
Voilà c’est ça, tout à fait, c’est ubuesque ! Vous avez le bon mot !